Homélie du père Bruno Guicheteau

Homélie du 6ème Dimanche de Pâques

Frères et sœurs,

Il est bon de recevoir ces paroles de Jésus que nous venons d’entendre, dans la lumière de Pâques. La vie de Jésus a été une vie d’amour, dans l’amour. Il a choisi de faire confiance au Père et de servir les hommes, de donner sa vie. Il dit à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi de vous ai aimés ». Et le Père a ressuscité son Fils d’entre les morts. Jésus a vaincu la mort. L’amour rend vivant. Ne vaut-il pas la peine de faire confiance à Jésus et de suivre son commandement d’amour : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Aimer est un engagement. On ne peut pas réduire l’amour au plaisir que l’on ressent quand on aime, même si ce plaisir est un don et constitue un moteur de l’amour. Aimer, c’est vouloir le bien, faire le bien. En italien, on parle de « beneficenza » à propos de l’amour, de bienfaisance, littéralement de « faire le bien ». Aimer, c’est faire le bien pour soi-même et pour le prochain. On aime en servant, en aidant, en donnant, en se donnant, en pardonnant… Aimer réclame de l’énergie, un engagement de la volonté et de l’intelligence. Jésus dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Il faut persévérer dans l’acte d’aimer, de faire le bien. L’amour est un acte libre mais parfois, en fidélité à son choix, on s’oblige à aimer. C’est pourquoi, probablement, Jésus parle de commandement à propos de l’amour.

Mais aimer est aussi un plaisir et une joie. L’amour procure beaucoup de joie. Ce n’est pas un acte rebutant, rébarbatif. Tout le monde fait l’expérience d’un bonheur plus grand qui envahit l’âme, lorsqu’il fait plaisir à quelqu’un. On se libère de soi-même. On est grandi. On s’ouvre aux autres. Cela rend heureux. Plus on aime, plus on est poussé à aimer. Il y a comme une énergie qui s’auto-alimente et qui décuple dans l’amour. C’est pour cela que Jésus parle de joie en même temps que de commandement à propos de l’amour : « Je vous commande de vous aimer les uns les autres, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » L’amour rend vivant.

Nous connaissons des défaillances dans l’amour. Il n’est pas facile d’aimer. Nous sommes tentés par l’amour propre, par l’orgueil, la jalousie, la méchanceté. Plus profondément, nous sommes fragilisés par la peur que nous éprouvons devant le fait de devoir donner, se donner. L’amour nécessite de céder quelque chose de soi-même et de ce que l’on a. Or, nous tenons à ce que nous avons, à ce que nous possédons, pensant que cela constitue une certaine sécurité, sans nous rendre compte que cela n’est pas l’essentiel. La richesse plus grande est celle d’être, être serviteur, ami des autres, aimant, fils de Dieu. Cela ne pourra pas nous être enlevé. Nos avoirs disparaîtront. Ce qui restera, c’est ce que nous sommes. On ne peut rien arracher à Dieu parce que Dieu est. Il est amour. Il est vivant. Est-ce que nous nous laissons transformer pour devenir de plus en plus serviteurs, amour, amis de Dieu, puisque là est la plus belle dignité que nous recevons ?

Nos manquements à l’amour pourraient nous faire douter de notre vocation à l’amour. N’est-il pas vain, au fond, de chercher à aimer ? Le Seigneur Dieu, lui, en tout cas, n’a pas renoncé à aimer, malgré nos faiblesses et nos péchés, ou plutôt à cause de nos faiblesses et de nos péchés. Car il sait combien nos actes contre l’amour nous blessent, combien ils vont à l’encontre de notre bonheur et de notre véritable liberté. Il se donne à nous. Il veut notre salut. Son amour ne nous manquera jamais. Cet amour guérit, relève, réconcilie. Il redonne envie d’aimer. C’est pourquoi Jésus dit : « Demeurez dans mon amour », car avec lui, tout est possible.

Frères et sœurs, choisissons donc l’amour. Choisissons d’aimer puisque l’amour vient de Dieu et rend vivant comme Dieu. Le Christ nous entraîne à sa suite sur le chemin de l’amour pour que nous soyons des vivants, des ressuscités, comme lui, avec lui. Amen.