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Paroisse St Etienne de GrandmontActualitésHomélie du père Bruno Guicheteau

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Homélie du père Bruno Guicheteau

Noces de Cana

Frères et sœurs,

 

A Cana, Jésus manifeste sa gloire et sa puissance. C’est ce que l‘évangéliste nous dit. Effectivement, Jésus montre des dispositions que nous n’avons pas. Il change de l’eau en vin. Dans d’autres passages d’évangile, on voit cette puissance à l’œuvre sous d’autres formes : Jésus guérit des malades, calme une tempête, multiplie des pains et des poissons… Il est le Fils de Dieu, créateur et sauveur. Il partage avec le Père et l’Esprit Saint la puissance divine, créatrice et transformatrice. A Cana, il manifeste cette puissance. Comme les disciples, en relisant ce récit de miracle, nous sommes invités à croire et à proclamer que Jésus est le Fils de Dieu fait homme.

Jésus ne fait pas que manifester sa puissance. Il est aussi au service des hommes. Ici, à Cana, il rend service aux nouveaux époux et à leurs invités en changeant de l’eau en vin. Cette noce risquait de tourner court et d’être gâchée par manque de vin. La joie aurait pu ne pas être complète. Mais Jésus intervient et permet que la joie soit à son comble en apportant, non seulement d’autre vin, mais un vin encore meilleur que celui du début de la fête. Jésus rend service.

Mais au fond, Jésus ne fait pas que cela. Il ne fait pas que montrer sa puissance et rendre service. Il révèle aussi le type et la qualité de relation que Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, veut établir avec les hommes.

 

La première lecture tirée du livre d’Isaïe nous montre que Dieu a construit peu à peu avec le peuple d’Israël des relations… comme d’époux à épouse. Il veut être considéré comme un époux dans son rapport avec Israël. Isaïe s’adresse au peuple et dit : « Le Seigneur t’a préférée. Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu » (Is 62,4-5). Parmi tous les peuples de la terre, Dieu a choisi Israël pour se lier à lui, comme l’époux choisit son épouse et se lie à elle. Il l’a comblé de biens, comme un époux comble de bien son épouse et veille à son bonheur. Isaïe exhorte le peuple à accueillir ce choix extraordinaire de la part de Dieu et à se laisser aimer, comme une épouse se laisse aimer par son époux et lui procure de la joie.

Connaissant cette image, Jésus profite d’une noce humaine pour donner à goûter la réalité de cette noce extraordinaire que Dieu contracte non seulement avec Israël mais avec toute l’humanité. A Cana, au-delà des noces humaines, il révèle que Dieu met le comble à la joie des hommes en leur donnant son amour, en faisant alliance avec eux. Bien sûr, à propos de l’union de Dieu avec les hommes, il ne faut pas prendre au pied de la lettre le symbole des noces humaines. Dieu ne se lie pas à l’humanité comme un homme se lie à sa femme. Mais il y a, dans les noces humaines, des réalités que Dieu porte à leur comble dans les relations avec les hommes : l’attention délicate envers l’autre, la fidélité, le soin à combler de bonheur son époux - son épouse, la gratuité et la réciprocité de l’amour, le respect de la liberté. Comme les époux qui, s’unissant entre eux, connaissent une béatitude particulière qui les saisit tout entier et les transporte au-delà d’eux-mêmes, l’amour de Dieu saisit de joie et de profond bonheur l’être humain, et le transporte au-delà de lui-même. De manière transitoire durant leur vie terrestre, mais de façon réelle, certains saints ont vécu cette expérience d’une union avec Dieu qui les a comblés et les a mis comme hors d’eux-mêmes. Marie de l’Incarnation, par exemple, a vécu cela. Grâce à Dieu, dans l’amour, elle a été plusieurs fois transportée et comme perdue de béatitude dans le mystère divin.

Nous pouvons nous interroger : Quelle expérience faisons-nous d’une certaine intimité avec Dieu ? Cherchons-nous une relation profonde, amoureuse, gratuite, fidèle, délicate avec le Seigneur ? Qu’est-ce qui peut nous combler de bonheur ?

 

Dans l’épisode des noces à Cana, Jésus change l’eau en vin. A propos du vin, on ne peut pas ne pas penser au vin de l’Eucharistie, qui, lors de la dernière Cène, devient sacramentellement le sang de Jésus, grâce aux paroles prononcées sur la coupe par Jésus : « Cette coupe de vin – dit-il -, est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous » (Luc 22 ,20). Jésus scelle l’union de Dieu avec l’humanité dans sa vie donnée en sacrifice, dans son sang versé par amour pour les hommes. Le vin de l’alliance de Dieu avec les hommes, c’est le sang de Jésus, versé sur la croix.

Entre parenthèse, à sa mère demandant de faire quelque chose pour les noces à Cana, Jésus répond d’abord que son heure n’est pas venue. On se demande de quelle heure il s’agit. Dans son évangile, saint Jean introduit les derniers instants que le maître vit avec ses disciples par cette phrase : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jean 13,1). Ainsi, « l’heure » désigne ce moment capital où le Seigneur meurt sur la croix. Ce qui se produit à Cana, le vin apporté pour la joie des noces, annonce l’évènement de la passion, le don du sang versé par amour, pour la joie des noces éternelles de Dieu avec l’humanité.

Nous pouvons nous poser la question : nous acceptons cette dimension du sacrifice dans la vie de Jésus. Mais l’acceptons-nous aussi pour notre propre vie, dans notre relation à Dieu et aux autres ? Quel don faisons-nous de nous-même, ou d’une partie de nous-même, pour vivre d’une façon plus profonde et plus authentique l’amour qui nous lie au Seigneur et au prochain ?

 

La Vierge Marie a un rôle important dans cet évangile. C’est elle qui sollicite Jésus et encourage les serviteurs à agir selon sa parole. Déjà, elle voit ce que Jésus va devenir et ce qu’il apporte aux hommes. Son cœur est rempli d’amour pour Dieu et pour les hommes. Sa relation au Seigneur est libre, confiante, joyeuse, audacieuse, amoureuse. Suivons-la. Demandons-lui d’intercéder pour nous. Qu’avec la grâce de Dieu, nous nous laissions remplir de cet amour divin qui comble de bonheur. Et que nous le partagions avec notre prochain, en vue des joies éternelles. Amen.