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Paroisse St Etienne de GrandmontActualitésHomélie du père Bruno Guicheteau

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Homélie du père Bruno Guicheteau

Baptême du Seigneur

 

Homélie : Baptême du Seigneur

En soi, Jésus n’a pas besoin de baptême. Il est Fils de Dieu. Mais c’est en tant que tête de l’humanité, pour inaugurer notre propre baptême qu’il demande à être baptisé. Dans le baptême de Jésus se réalise notre baptême. Nous recevons la parole du Père qui, à travers Jésus, est adressée à chacun de nous : « Toi, tu es mon fils, ma fille, bien aimé : en toi, je trouve ma joie ».

Au baptême, Jésus nous montre sa solidarité avec notre humanité. Déjà, la manière avec laquelle il se présente à Jean-Baptiste manifeste cette solidarité. Rien ne distingue Jésus des autres personnes qui viennent au bord du Jourdain. Luc décrit ainsi la scène : « Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit ». Jésus est au milieu du peuple, un parmi d’autres dans la foule. Le baptême de Jean-Baptiste est une préparation au règne de Dieu. Et Jésus s’associe donc à ce désir de voir advenir le règne de Dieu. Il partage l’attente du peuple d’Israël.

Au-delà du peuple d’Israël, c’est l’ensemble de l’humanité qui est dans l’attente. Tout homme, tout femme est en quête de réalisation et de bonheur. Cette aspiration, Jésus la fait sienne. Il rejoint l’humanité à la fois heureuse et souffrante, souffrante de ne pas être assez heureuse. Sur la croix, il a cette parole : « J’ai soif », que l’on peut interpréter de multiples façons : « J’ai soif d’eau », « J’ai soif de vie et de bonheur », « J’ai soif de Dieu », « J’ai soif d’amitié avec les hommes, que je reçois mais avec des blessures et des trahisons ». Oui Jésus est plongé – c’est ce que veut dire le mot « baptême » - dans notre humanité concrète, belle et cependant inachevée.

Nous-mêmes, nous sommes immergés dans cette humanité en attente. Nous avons nos réussites, mais aussi nos échecs. Nous partageons le cheminement des hommes et des femmes de notre temps en quête de bonheur. Il est bon de se demander comment nous vivons cela. Y-a-t-il place dans notre cœur pour la compassion et l’espérance ? Avons-nous aussi de la compassion envers nous-mêmes ? Si la colère nous habite, parce que les limites et les pauvretés nous font mal, est-ce que cette colère débouche sur du positif, du constructif ? Faisons-nous ce qui est à notre portée pour rendre le monde un peu meilleur ?

De son côté, Dieu intervient. Nous le voyons lors du baptême de Jésus. A l’attente des hommes, à l’attente de Jésus uni aux hommes, il répond, de façon qui sûrement nous surprend. Dans l’inconscient humain, il y a toujours l’espoir que Dieu, qu’un dieu, impose sa puissance pour résoudre de façon décisive les problèmes du monde. C’est le « Deus ex machina » cher aux tragédies grecques. A la fin de ces tragédies, comme par enchantement, un dieu imposant sort de sa boîte – c’est ce que veut dire « Deus ex machina » -, et solutionne les problèmes, parfois avec fracas, devant des hommes qui subissent plus qu’ils ne s’impliquent. Comme les personnages de ces tragédies, nous pouvons attendre nous aussi, pour nous sortir des impasses, l’être providentiel qui sauvegardera nos intérêts individuels, quitte à contrecarrer ceux des autres, et nous épargnera les efforts. Cet espoir n’est pas exempt d’égoïste ni d’orgueil.

Dieu, le Dieu de Jésus Christ, intervient autrement. Au moment du baptême de Jésus, il se donne comme Père, dans l’amour. Il propose une vie de communion avec lui et entre les hommes, dans la liberté et la confiance. Son intervention a quelque chose d’aérien. C’est le souffle d’un battement d’aile d’oiseau, presque rien. L’Esprit Saint est donné sous la forme d’une colombe, symbole de pureté et de paix. L’évènement ne ferait pas la « une » des journaux. Cela fait penser à la brise légère sur le mont Horeb, dans laquelle Elie reconnait la présence divine. Dieu n’était pas dans l’orage ni dans le tremblement de terre, mais dans la brise légère. Rien de décisif apparemment, ni d’extraordinaire.

Et pourtant ! Au baptême, Dieu se donne comme Père, dans la liberté et dans l’amour. Il a l’initiative, mais rien ne peut se faire sans la confiance des hommes. L’amour d’un père, d’une mère ne vaut-il pas tous les trésors ? Ne permet-il pas, une fois qu’on l’accepte, toutes les audaces et toutes les espérances, au-delà des insuffisances et des manquements ? La présence d’un père, d’une mère, fonde à tout moment l’existence et ouvre l’avenir personnel et communautaire. Le père et la mère élèvent l’enfant pour lui-même. Ils donnent aussi un sens à la fraternité. N’est-ce pas cela le plus important pour mener une vie humaine riche, positive et ouverte ?

En réalité, au baptême de Jésus, l’essentiel est donné. Dieu se donne à nous, dans la liberté, dans l’amour et la confiance. Et l’Esprit Saint nous est envoyé pour faire de nous des frères et sœurs, et pour nous aider à construire le royaume de justice et de paix. Par le baptême, nous sommes plongés dans la vie de Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, une vie surabondante de grâces, où nous avons notre part de responsabilité.

Il est bon de raviver sans cesse son baptême, d’en célébrer l’anniversaire par exemple, comme on célèbre l’anniversaire de sa naissance. Une manière de raviver le trésor de son baptême, c’est d’être attentif à toutes les interventions, discrètes mais réelles, de Dieu dans sa vie. Dieu n’est pas un Père absent mais présent. Il donne des signes de sa présence et de sa providence. Sait-on les reconnaître ? Une autre manière, c’est d’entendre pour soi cette parole de Dieu donnée au baptême de Jésus : « Tu es mon fils, ma fille, bien aimé ; en toi je trouve ma joie ». Cette parole est opérante, c’est-à-dire qu’elle peut agir en chacun. Dieu peut toucher les cœurs à travers elle, et faire expérimenter son amour. Cela est possible, si on prend le temps de la prière, comme Jésus avant de se faire baptiser. Une autre manière encore de raviver son baptême, c’est de vivre concrètement la fraternité à laquelle le Père invite.

Le baptême de Jésus inaugure donc notre propre baptême.  La grâce que nous y recevons est sans cesse opérante, tout au long de notre vie, quelques soient les moments, bons ou tragiques, heureux ou difficiles. Accueillons-la, ravivons-la, puisqu’elle nous met en communion avec Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, une communion qui ouvre tous les possibles. Amen.