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Homélie du père Bruno Guicheteau

Homélie du père Bruno Guicheteau : l'évangile du premier Dimanche de carême sur les tentations

Homélie du père Bruno Guicheteau.

L'évangile du premier Dimanche de carême sur les tentations

 

L’évangéliste Matthieu met en scène ce qui constitue le défi de tout être humain : résister aux tentations et au Tentateur. Au début de ce carême, nous sommes placés devant cette réalité exigeante et incontournable de chacune de nos existences.

Le temps du carême nous éprouve. Nous vivons ce temps pour nous purifier, nous épurer, pour retrouver le goût de Dieu et des autres, pour dépasser les attitudes superficielles. Mais en même temps, notre état charnel et nos fragilités morales et spirituelles nous rattrapent. Les besoins élémentaires s’y font plus vifs, plus mordants. Le doute s’insinue en nous. Nous pouvons vite nous décourager et abandonner les efforts d’une vie plus simple, plus généreuse, plus ouverte.

Pour affronter les tentations, il est bon de les regarder en face. C’est la première condition pour les vaincre. Regardons quelques instants. Il y a d’abord les tentations du quotidien, j’allais dire ordinaires :

·        Par exemple le plaisir désordonné de la bonne chair, comme on dit, qui n’aide pas les relations saines et heureuses avec les autres.

·        L’affirmation exagérée de soi, porte ouverte aux disputes qui peuvent devenir violentes, aux infractions au code de bonne conduite en société, par exemple le code de la route.

·        La recherche excessive de repos qui confine à la paresse et qui entrave la bonne marche des études, d’une famille, d’une entreprise…

Tout cela empoisonne la vie. Mais au-delà de ces tentations « ordinaires », il y a des tentations plus graves et plus subtiles :

·        Celle d’abord de s’habituer à ces déviances de la vie quotidienne et de considérer qu’elles ne sont pas si graves que cela.

·        C’est de penser que, finalement, on ne peut pas faire mieux, que l’horizon de la vie humaine sera toujours en demi-teinte, sans vice grave certes mais sans grande vertu non plus, sans dépassement.

·        Au fond, c’est de rompre avec toute espérance et de ne plus croire en une vie meilleure. Au-delà, c’est de ne plus croire en Dieu, en sa grâce, en son pardon et au salut qu’il nous offre en Jésus-Christ.

C’est la tristesse d’une vie sans ambition humaine et spirituelle. Là est la plus grande tentation.

 

Le texte de la Genèse qu’on a entendu en première lecture nous montre que la première tentation à l’origine de toutes les tentations, c’est celle de désobéir à Dieu et de se couper de lui, de ne pas lui faire confiance. Un personnage intervient, Satan, l’ange déchu sous la figure du serpent. Il s’interpose entre l’être humain et Dieu. Il use du mensonge et de la séduction. Il susurre dans le creux de l’oreille que le fruit défendu par Dieu est pourtant très appétissant. L’être humain pense alors que Dieu lui ment, qu’il empêche son bonheur, qu’il est un concurrent et qu’on ne peut pas lui faire confiance. Beaucoup de personnes dans notre monde déchristianisé d’aujourd’hui se laissent attirer par cette pensée commune et médiatisée : Dieu est un concurrent. Selon cette pensée, choisir d’être en communion avec Dieu, c’est renoncer à sa liberté et à son bonheur. C’est là, la racine de toutes les tentations.

 

Dans l’évangile, nous retrouvons la confrontation avec Satan ; mais cette fois-ci, c’est le Fils de Dieu fait homme qui fait face au démon, au diviseur, à Satan. Satan pense savoir s’y prendre. Il frappe là où Jésus, comme tout homme, est sensible. Il touche à ses besoins vitaux, fondamentaux : la nourriture, la sécurité, l’affirmation d’une certaine supériorité sur le monde. La victoire de Jésus sur ces tentations nous éclaire.

D’abord, alors que Satan lui suggère de changer les pierres en pains pour combler la faim de nourriture terrestre, Jésus refuse. La recherche des biens matériels est légitime mais elle risque toujours d’être exagérée. Elle peut nous enfermer – et dans le mot enfermer il y a « enfer » – dans l’esprit de possession et de consommation. Il y a une joie plus grande que celle de posséder : c’est celle de partager, de se rendre service mutuellement, de vivre avec d’autres. Au-delà des biens matériels, nous avons soif d’amitié avec Dieu et avec d’autres personnes. Et cela se cultive à travers une certaine sobriété, par la générosité et la gratuité. Cela demande de résister à la tentation de la consommation effrénée à laquelle nous pousse la société. Est-ce que nous cherchons à cultiver l’amitié avec les autres et avec Dieu ?

Ensuite, alors que Satan propose à Jésus le recours aux anges et donc à un miracle de la part de Dieu pour éviter la mort, car il lui propose aussi de se jeter du haut du temple, à nouveau Jésus refuse. Non seulement Jésus ne veut pas forcer son Père et lui faire accomplir un miracle inutile. Mais surtout, il ne veut pas jouer avec la vie et passer à côté des vrais enjeux de l’existence humaine. Certes, il affrontera la mort au moment de la passion, mais ce sera pour lutter contre le péché et dans un esprit de soumission au Père. Il ne sert à rien de s’étourdir dans une vie peuplée de distractions et de fuir en réalité les vrais défis de l’existence humaine. Il ne sert à rien de s’enfermer dans des postures toutes faites, sécuritaires. Ce sont de fausses sécurités, des tentations. La vie doit être accueillie telle qu’elle est, dans sa complexité, avec ses joies certes mais aussi avec ses douleurs et ses combats. Il nous est proposé de l’accueillir aussi dans la perspective de la communion avec Dieu à laquelle il faut travailler. La dignité de l’homme n’est pas moindre dans le travail, l’engagement, la patience que dans le loisir, les facilités, la réussite toute faite. Le Seigneur par sa vie et ses choix nous montre cela et il est notre grande Espérance.

Enfin, alors que Satan propose à Jésus la domination sur le monde à condition que celui-ci se prosterne devant lui, Jésus refuse. D’abord, Satan n’est pas Dieu. Jésus ne s’y trompe pas. Il connait le vrai Dieu et refuse de se prosterner devant Satan. Pour nous aussi, il est bon de chercher à connaître le vrai Dieu et de lui être fidèle pour ne pas être leurrés. Mais surtout, Jésus n’a pas l’intention de dominer le monde et encore moins les hommes. Il repousse tout esprit d’emprisonnement et de manipulation. Il est le Fils de Dieu. Et Dieu a choisi de ne pas écraser l’humanité par sa toute puissance mais au contraire de l’élever jusqu’à Lui par la douceur de l’amour et par la tendresse. Il n’est pas un concurrent de notre liberté et de notre bonheur mais au contraire Celui qui les porte plus haut et plus fort ! C’est ainsi qu’il se révèle, à travers la vie et la mort de Jésus-Ressuscité. Oui, il est bon de chercher ce qui vraiment respecte notre dignité et notre liberté, ce qui nous élève.

 

Cet Evangile d’aujourd’hui est donc éclairant sur les dangers qui nous guettent. Il est surtout une Bonne Nouvelle, la Bonne Nouvelle de la victoire du Christ sur la puissance et les subtilités des tentations qui visent à nous rabaisser, à nous enfermer, à nous dévaloriser. Seuls, nous ne pouvons pas les vaincre. Mais c’est le Christ qui nous permet de les surmonter. « Si - écrit saint Paul – à cause d’un seul homme la mort a régné, combien plus, à cause de Jésus-Christ et de lui seul, règneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en plénitude le don de sa grâce. » Dans cette Eucharistie, accueillons donc la grâce de Jésus-Christ, notre guide, fidèle serviteur du Père et des hommes. Amen.